Le quotidien
Le quotidien renvoie à une double temporalité : en premier lieu, celle du cadre matériel et physique de la journée, du présent ordinaire où disparaît la fulgurance de l’instant ; il est alors perçu comme prosaïque, dénué d’intérêt, de grandeur, de vertige. D’autre part à celle de la répétition indéfinie des jours, des taches dites « quotidiennes », des emplois du temps inscrits dans les formes historiques et sociales de la réalité physiologique et matérielle. Autour du mot se forme d’emblée un nuage d’images et de valeurs. Espace du profane d’un côté, et monde des spiritualités, des extases « sacrées » normées, des voyages fous et des aventures extraordinaires de l’autre.
Le quotidien est donc un défi pour la description. Comment rendre compte à la fois de la continuité et de la répétition, du banal et de l’exceptionnel ? Si la littérature semble mieux armée pour s’en saisir, le quotidien n’a pourtant jamais cessé d’être un objet pour les sciences sociales. De la sociologie d’Henri Lefebvre à l’anthropologie de Michel de Certeau jusqu’à la sémiologie de Roland Barthes, la réflexion a épousé la période dite des trente glorieuses. Dans la continuité de ces travaux, mais en s’appuyant sur les renouvellements thématiques et théoriques du sujet, ce numéro fait dialoguer histoire, sociologie et ethnologie. Il propose de saisir les formes historiques et contemporaines du quotidien dans des espaces aussi variés que l’hôpital, la ville, le logement, et sous des registres aussi divers que la contrainte, le désastre ou la liberté.