Visiter les abattoirs de volaille, c’est rapidement rencontrer des « tâcherons », ces travailleurs d’un genre particulier qui n’appartiennent pas aux effectifs réguliers de l’entreprise qu’on visite. Ils réalisent pour elle un contrat sur lequel ils se rémunèrent. Qu’est-ce donc que ce tâcheronnat ? Une forme anormale de travail, archaïsme qui se fondra bientôt dans le salariat généralisé ? Un nouveau raffinement de la précarisation des travailleurs qui fragilise encore la frontière de leur sécurité et de leurs acquis salariaux ? Une forme moderne, encore inédite, qui se met étrangement en place dans une activité plutôt conservatrice et peu innovante ? En examinant les tâches dévolues à ces travailleurs particuliers et la suspicion qu’ils suscitent chez les autres salariés et chez les employeurs qui y ont recours, on tente de restituer la profonde ambivalence de cette forme de travail. Une ambivalence qu’il faut préserver pour comprendre comment cette forme ancienne porte aussi le germe d’un avenir qui se met en ordre.