La preuve mathématique en tant qu'elle est épreuve de mémoire
Résumé
Une pratique critique des mathématiques, trop rarement observée dans son déploiement intellectuel, tient à la multiplicité des preuves, laquelle peut exprimer la multiplicité des styles autant que la multiplicité des structures en jeu, mais aussi la multiplicité des histoires ayant conduit à un même résultat. Peut-être parce que la multiplicité paraît indispensable à la métaphysique, elle est souvent jugée inutile en mathématiques. À distinguer, pour favoriser l’interrogation épistémologique, entre preuve et démonstration, je souligne le caractère analytique qui constitue la preuve comme recherche. Une discussion porte sur la « pythagoricité », expression que Bachelard adoptait pour envisager la certitude absolue à propos du théorème dit « de Pythagore », dont l’expression est devenue algébrique. Or l’algèbre, dans l’histoire, fut d’abord conçue comme domaine dépourvu de preuve autre qu’effectuation d’un calcul, s’opposant à la géométrie démonstrative. Les preuves du théorème fondamental de l’algèbre permettent d’examiner la façon dont la mémoire historique intervient en mathématiques.